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DATE DE PUBLICATION 23/07/2020

Territoires, numériques, citoyens : demain ensemble dans la relance ?

Qu’apprenons-nous de la crise sanitaire ? 

Quelles sont les conditions d’une relance qui ne creuse pas davantage les inégalités ? 

Des questions qui réinterrogent en profondeur le rôle des territoires et des technologies numériques pour faire jaillir des solutions nouvelles au service de tous. Le président de France Active Pierre-René Lemas et l’économiste Daniel Cohen débattent.

Walter - Interview croisé

Quels sont selon vous les principaux enseignements de cette crise ?
Daniel Cohen : Cette crise est d’abord unique par son ampleur. Il faut revenir aux années 30 pour trouver une intensité comparable et le choc est bien plus considérable que celle de 2008. Et tandis qu’elle nous force à repenser nos manières de travailler et de fonctionner, nous constatons qu’elle a engendré beaucoup d’inégalités. L’une des plus criantes étant celle du télétravail où 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur peuvent travailler à distance, contre 3 % seulement des ouvriers.

Pierre-René Lemas : Trois aspects me marquent particulierement. Tout d’abord, l’inquiétude des entreprises sur leur avenir, et ce, malgré les
réponses apportées par les pouvoirs publics, les régions, etc., en termes de financements. Ensuite, nous assistons à des expressions de solidarité très fortes. Mais comment faire pour que toutes ces initiatives locales ne restent pas provisoires ? Enfin, beaucoup de premières réponses – indépendamment des plans nationaux – sont apparues au niveau local, au sein des petites ou moyennes villes, des agglomérations, des regroupements où se retrouvent à la fois des entreprises de l’ESS, des associations, etc. Il me semble que nous avons ici des éléments de réponse pour la sortie de crise – mais à la condition que ces initiatives soient accompagnées, au risque de n’être qu’éphémères.

 

Cette période fait exploser les usages du numériques pour travailler, communiquer, se divertir, vivre ensemble… 

En quoi est-ce signifiant pour l’après ?
D. C. : Au début de la crise, le manque de masques, de médicaments, de tests a mis en lumière les limites de la mondialisation qui s’est accélérée depuis les années 90. Je verrais désormais un passage de relais entre un capitalisme mondialisé et un capitalisme numérique qui s’exprime, par exemple, par le télétravail ou la télémédecine. Ce n’est pas nouveau, mais cette crise dévoile le projet de ce qu’on peut appeler
cette “économie du confinement”, où l’on essaie de dématérialiser tout ce qui peut l’être. C’est une porte ouverte aussi bien vers le meilleur que vers le pire. Le meilleur, si ça donne plus d’autonomie et de respiration entre les différentes strates de la vie (professionnelles, personnelles, etc.). Ou encore quand l’outil numérique vient en soutien de cet élan de solidarité sur les territoires. Le pire, quand il s’agit
de déshumaniser les relations.

Cette crise apporte un éclairage nouveau sur le rôle des territoires. Quelles opportunités y voyez-vous ?
P-R. L. : Tous les acteurs de la vie économique et sociale parlent désormais de “décentralisation”, de “solidaire”, de “coopératif”… mais attention à ne pas vider ces mots de leur substance. La question est de savoir comment leur redonner du sens. La réponse n’est pas simple, mais je donnerai un exemple. Avec le confinement, chacun redécouvre son chez soi, son logement. Mais qu’est-ce qu’un logement adapté à
2020 et même à 2030 ? Et a fortiori dans les quartiers populaires, où les habitations pensées dans les années 60 s’avèrent désormais trop petites, mal aérées… Et par extension : qu’est-ce que le quartier ? le village ? la cité ? Avec cette crise, ces éléments de la vie quotidienne sont de vraies opportunités de changement.
Ce sera forcément un mécanisme de longue haleine, ça ne se transformera pas en une loi de finance. Pour ne pas rater cette occasion, il appartient aux décideurs nationaux et territoriaux de les prendre en main en s’appuyant sur les forces vives des territoires
– les associations, les groupements de communes, les assemblées consulaires, les chambres d’agriculture, les syndicats…

Quelles perspectives entrevoyez-vous pour la relance ?
P-R. L. : Je pense que l’addition d’initiatives locales – même petites – dans le domaine de l’ESS peut contribuer à une réponse globale de sortie de crise. Soyons ainsi très attentifs aux besoins très concrets des entrepreneurs engagés. Quand nous les rencontrons, ils nous disent pour la plupart qu’ils parviennent à éteindre les flammes et à régler leurs problèmes de trésorerie grâce aux aides. Mais pour vraiment redémarrer, il leur faut du capital et des fonds propres pour consolider leur assise – et ainsi sortir de la réponse à l’urgence pour construire un rebond à plus long terme.

 

D. C. : La crise n’est pas finie. Il semble donc prématuré de parler de relance. Il faut d’abord tirer toutes les leçons de cette période et sur la manière dont il est possible de recréer de l’intelligence sociale pour repenser la vie sociale. Il y a donc tout un champ à inventer – avec pour fil rouge le lien humain. C’est un formidable appel à l’imagination, pour proposer des solutions nouvelles, qui pourront s’appuyer sur le
numérique mais pas comme une fin en soi, et repenser l’organisation de l’État, des collectivités locales, des rapports de voisinage. Une
relance par l’État ne sera pas une réponse à la question. Ce sera une relance par les acteurs au plus près des problèmes. Charge ensuite à l’action publique de les aider à avoir les moyens

 

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