Ces cent ans de vie me donnent aujourd’hui l’opportunité et l’envie de rapprocher les années de guerre et les années présentes. En 1940, à moins de 20 ans, j’ai vécu un effondrement sans précédent de mon pays, une défaite radicale, une répression implacable. Les années récentes s’avèrent plus insidieuses, apparemment moins foudroyantes. Elles ne sont pas moins cruellement destructrices sous l’effet des crises écologiques, économiques, sociales.
A ces désastres, répond deux fois la Résistance. En 1940, face aux périls, une Résistance, d’abord désorganisée, puis gagnant en puissance avec les maquis, contribue à la victoire et participe à la construction d’une démocratie sociale par le programme du CNR. Aujourd’hui, la résistance s’est déplacée vers le front de l’économie. Nous devons réparer les effets délétères d’une économie mondiale engagée dans une compétition sans freins pour des profits financiers sans limites, quoi qu’elle coûte à l’humanité et la nature.
Dans les deux cas, au sein de périls mortels, surgit le renouveau, hier ces étonnants maquis, à présent, les surprenantes jeunes pousses sociales, solidaires, durables.
France Active les soutient, accompagne leurs initiatives ; celles-ci se multiplient, réparent des maux flagrants, mais restent ponctuelles, trop fragmentées pour créer un mouvement puissant, un modèle économique, gagner l’opinion. Nombre d’entrepreneurs eux-mêmes, fiers de leur action sociale et environnementale, doutent parfois de leur impact politique face aux milliards multinationaux.
Expériences prometteuses
Il existe néanmoins des expériences de coopération plus poussées ; elles sont menées souvent par les entrepreneurs soutenus par France Active ; ils souhaitent à leur tour faire vivre de plus larges solidarités : le don suscite le contre don. Ils ouvrent des voies, des avancées vers des coopérations plus complexes et systématiques.
Toutes ces expériences de coopération invitent à passer de résistances belles mais ponctuelles et marginales à de profondes transformations permettant de les développer, de les accélérer, de les pérenniser. J’y vois une façon d’inscrire les pratiques de terrain, cette praxis essentielle, dans une vision plus large, l’imaginaire éthique d’un avenir respectant l’humanité et la nature.
Cette éthique, toutefois, ne s’assume pas facilement : elle est contrariée par le jeu de situations, d’intérêts, de comportements contradictoires qui brouillent, noircissent la vision de l’avenir. Beaucoup reculent, hésitent à s’identifier à un idéal qui parait distant et que l’idéologie dominante qualifie d’utopie, d’impuissance face à une réalité commandée par la finance.
Pour accroître les chances et la portée de leur coopération, il paraît souhaitable de les inciter et les aider à former sur leur territoire des clubs, des ambassades de la coopération ; c’est-à-dire des lieux où l’on apprend à se connaître, à échanger des réflexions, des pratiques, à affirmer des valeurs, une conception de la société et de l’économie.
Ils doivent être des liens facilitateurs, accompagnateurs pour repérer, contacter et mobiliser toutes les forces physiques ou morales, privées ou publiques qui se donnent pour mission de faire connaître, de soutenir, de financer, d’accompagner la montée des coopérations, de préciser leur objet, leurs projets, leurs moyens, d’être au clair sur leurs difficultés.