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DATE DE PUBLICATION 17/01/2023

Partage de la valeur : il est temps d’universaliser l’épargne salariale

Tribune parue dans Les Echos le 17/01/2023

Le nouveau contexte économique et d’abord l’inflation changent la donne pour les entreprises et les salariés. Un partage plus juste de la valeur est désormais nécessaire et urgent. Mais toutes les entreprises ne disposent pas de la faculté d’augmenter suffisamment leurs prix pour faire face à la hausse des coûts. C’est surtout vrai pour les petites entreprises et pour celles qui sont moins rentables. Et leurs salariés risquent d’être laissés de côté. Alors qu’une négociation interprofessionnelle débute sur le partage de la valeur, il est temps de changer d’échelle, d’organiser des dispositifs universels, donc d’arrêter de réserver les hausses de rémunération à la fraction du salariat qui travaille dans de grandes entreprises. Au travers du partage de la valeur, ce qui se joue, c’est in fine le financement de la transition de l’économie réelle vers un monde plus durable et plus solidaire.

L’épargne salariale, un levier du pouvoir d’achat

La France a, il est vrai, depuis 1967, construit un modèle original de partage de la valeur : l’épargne salariale, qui poursuit plusieurs objectifs. Ce modèle permet en premier lieu le partage des profits entre les différentes parties constituantes de l’entreprise, actionnaires comme travailleurs, via la distribution faiblement fiscalisée d’une partie des bénéfices. Il organise ensuite la participation des salariés au dialogue social, sur la stratégie et la compréhension de la situation économique de l’entreprise. Il permet enfin que ces revenus soient placés sur des supports d’épargne, qui ont vocation à financer une économie réelle responsable et solidaire. Malgré l’absence d’une contribution sociale sur les profits distribués, permettant la constitution de droits à la retraite ou au chômage aux salariés, l’épargne salariale constitue néanmoins, parce qu’elle est placée sur un compte pour être perçue en cas de besoin, un revenu différé pour le salarié et participe ainsi à la préservation d’un modèle social protecteur.

Pourtant, malgré la volonté affichée de faire progresser sa diffusion au moment de la loi PACTE, l’épargne salariale demeure dans les faits, réservée pour l’essentiel à la fraction du salariat la mieux protégée. Elle profite peu aux travailleurs des petites entreprises, des chaines de sous-traitance, ainsi qu’aux travailleurs précaires, tout aussi essentiels à la création de valeur de l’entreprise et confrontés à la dégradation de leur pouvoir d’achat. La réponse ne peut plus passer par la création de nouvelles niches fiscales ou sociales qui nuisent à la protection sociale et à la création de droit sociaux. La cohésion sociale appelle plutôt l’universalisation de l’épargne salariale à toutes les entreprises rentables, pour assurer la distribution systématique d’une fraction des bénéficies à l’ensemble des salariés. Cette généralisation de la participation des entreprises via un plan d’épargne est nécessaire pour que ces travailleurs bénéficient de ce revenu complémentaire au moment de la retraite ou en cas de perte d’emploi.

L’épargne salariale, un financement au service de l’entrepreneuriat solidaire

Les modalités de calcul et de mise en œuvre de l’épargne salariale dans ces petites entreprises devront être simples. Par exemple, on pourrait imaginer, pour déterminer les sommes à répartir, une formule simplifiée qui permettrait la distribution de 10% du bénéfice comptable. De même, cette épargne pourrait être collectée, pour les PME, au sein d’un plan d’épargne national à gestion paritaire, pour éviter que les comptes faiblement abondés de petites entreprises génèrent des coûts inutiles pour les employeurs. Enfin, l’abondement pourrait se faire, au-delà de la participation, par un chèque épargne, correspondant à l’abondement défiscalisé de l’employeur. Cette modalité plus simple faciliterait l’accès au dispositif pour les petites entreprises et les organisations sans but lucratif, qui ne disposent pas de directions des ressources humaines capables de décliner des accords complexes.
Les sommes ainsi collectées ont vocation à financer le développement durable de l’économie réelle, la solidarité et l’économie du lien grâce à un segment solidaire obligatoire, la transition écologique grâce à une stratégie de placement compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris et la préservation des écosystèmes, en excluant les activités néfastes pour l’environnement et la société. Ce n’est qu’à la condition de cette responsabilité environnementale, de l’orientation de l’épargne des uns vers le financement de l’emploi des autres, et notamment de ceux des plus fragiles par le soutien aux financeurs solidaires, que le partage de la valeur dans chaque entreprise assurera la cohésion sociale dont le pays a tant besoin.

Pierre-René Lemas, président de France Active

Alexis Masse, président de France Active Investissement

Jérôme Saddier, président du Groupe Crédit Coopératif et Président d’ESS France

Frédéric Tiberghien, président de FAIR

Nathalie Lhayani, présidente du Forum pour l’Investissement Responsable

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